Analyse des différentes tendances alimentaires dans la performance sportive (de l’athlète d’endurance)
En cette dernière décennie, le marché mondial de la nutrition sportive est en plein essor. En ce sens, ce marché a franchi en 2022 la barre des 40 milliards de dollars et devrait croître de +9,3% par an entre 2022 et 2032 selon un rapport de Future Market Insights¹.
Ces chiffres démontrent que les pratiquants de sport (dont le sport d’endurance) sont en recherche constante d’une nutrition adaptée à leurs besoins avec un objectif d’optimisation de leur performance et de diminution du risque de blessure.
Analysons ensemble deux des tendances alimentaires testées par les athlètes d’endurance : le régime cétogène (1) et le végétarisme / végétalisme (2) et leur impact dans la performance sportive.
Le régime cétogène
Ce régime, utilisé dès 1911 pour traiter l’épilepsie², est à présent tendance dans le milieu sportif. Il consiste à limiter les apports en glucides (qui est le substrat énergétique utilisé par défaut par l’organisme) pour progressivement utiliser la voie de la cétogénèse pour produire de l’énergie. A contrario des apports “classiques” pour un adulte bien portant, les apports énergétiques du régime cétogène sont redistribués de sorte que l’apport énergétique total se compte à 70-80% de lipides, 10-20% de protéines et 5-10% de glucides.
Cette voie de la cétogénèse débute avec la lipolyse au cours de laquelle le foie transforme les graisses stockées (triglycérides) en acides gras. Les acides gras sont alors transformés en acétyl-Coa à travers un procédé connu sous le nom de bêta-oxydation. Enfin ces acetyl Coa sont utilisés comme substrat pour produire de l’ATP au cours du cycle de Krebs. À noter que les cétones produits lors de la cétogénèse sont des molécules qui traversent la barrière hémato-encéphalique et peuvent donc être utilisées par le cerveau (cellules en principe glucodépendantes).
Néanmoins, le glucose demeure le substrat utilisé prioritairement et plus rapidement que les acides gras. L’utilisation de ces deux sources énergétiques (glucose et acide gras) va dépendre de différents facteurs spécifiques à chaque athlète : état des stocks en glycogène, stress, durée et intensité de l’effort…. L’activation de cette voie de la cétogénèse se fait sous 2 à 3 jours environ³ et l’adaptation pour le sportif sous 3 à 6 semaines⁴.
En termes de performance, ce régime est utilisé par certains athlètes car il aurait pour avantages de lutter contre l’inflammation chronique par l'activation des gènes impliqués dans la défense antioxydante, d’améliorer la sensibilité de l’organisme à l’insuline et ainsi habituer l'organisme à optimiser les rendements énergétiques lors d’effort d’endurance.
À noter que le régime cétogène se différencie du régime cétogène cyclique (CKD) ou à restriction glucidique périodique qui consiste, pour certains athlètes, à restreindre les glucides dans les 6 à 4 jours avant une compétition puis de recharger les réserves en glycogène à partir de J-3 sans pour autant réduire l’apport énergétique total afin d’optimiser les performances.
Néanmoins, le régime CKD peut influencer les adaptations métaboliques au régime cétogène et l’organisme peut devenir moins efficace dans l’utilisation des graisses comme substrat énergétique. Ces adaptations métaboliques dépendent de la fréquence et de l’intensité de ces cycles de recharge glucidique, du type de pratique sportive et de l’intensité de l’effort et de la capacité métabolique de chaque individu.
Si l’on se réfère aux différentes études qui ont été menées sur le sujet de la performance en endurance avec le régime cétogène ou avec le régime normal (glucidique);
Une première étude⁵ réalisée en 2017, montre des améliorations des performances à court terme sur des efforts de 10 kilomètres pour les athlètes ayant un régime normal ou à restriction glucidique périodique mais pas de différence des performances pour les athlètes avec un régime cétogène. Cependant, sur des courses de 25 km, la consommation d’O2 a augmenté avec le régime cétogène, contrairement aux deux autres pour lesquels on a observé une diminution de l’utilisation d’O2 pour maintenir la vitesse.
Une seconde étude⁶ réalisée en 2019 sur deux groupes (régime cétogène et régime glucidique) pendant 31 jours montre que la mise en place du régime cétogène a diminué les performances en endurance principalement pour les efforts supérieurs à 70% de la VO2max.
En outre, une méta-analyse⁷ datant de 2020 conclut qu’une seule étude établit une amélioration des performances avec le régime cétogène et qu’il n’y a donc pas de mise en évidence nette de l’efficacité de ce régime sur la performance du sportif d’endurance.
Enfin, la plus récente méta-analyse⁸ en date de 2021 conclut qu’il n’y a pas de différence significative dans les performances aérobie entre le régime normal et le régime cétogène.
Le régime cétogène, s’il est réalisé strictement (maximum 20 - 40 g de glucides par jour), comporte également certaines limites car il implique une période d’adaptation éprouvante pouvant donner lieu à des nausées, des sensations de faim impératives, une grande fatigue et sa mise en place induit de grands changements dans les habitudes alimentaires. Par ailleurs, il peut entraîner un état d’acidose métabolique et peut provoquer un oedème cérébral ou des insuffisances rénales s’il est mal conduit et/ou effectué dans le cadre de certaines pathologies comme le diabète de type I. L’état d’acidose métabolique implique d’apporter à l’organisme une hydratation importante (2 à 2,5 litres par jour en dehors de l’hydratation au cours de l’effort) et des apports suffisants en minéraux. Il est conseillé de réaliser des bilans sanguins réguliers et d’avoir un suivi médical régulier.
Étudions à présent les régimes végétarien et végétalien pour l’athlète d’endurance.
2. Le végétarisme et le végétalisme
En notre période contemporaine, les habitudes alimentaires évoluent en lien avec les problématiques d’environnement durable, de respect de la cause animale ou de lutte contre l’agriculture intensive. Il est ainsi de plus en plus fréquent de rencontrer des athlètes ne mangeant ni viandes ni poissons (les végétariens), voire ne consommant pas non plus d’aliments d’origine animale : œufs, miel, produits laitiers (végétalisme). Certains souhaitent également tester ces régimes pour peut-être améliorer leur performance.
Dans ce contexte, que peut-on dire du végétarisme et du végétalisme dans la performance du sportif d’endurance ?
Les principaux nutriments qui font défaut à ces régimes sont :
Les protéines : par définition, le végétalisme, par l’éviction des aliments d’origine animale conduit les végétaliens à consommer moins de protéines que les végétariens et les omnivores⁹. Or, les protéines animales ont une meilleure valeur biologique et un coefficient d’utilisation digestive plus intéressant que les protéines végétales. Par ailleurs, elles sont notamment riches en leucine, acide aminé essentiel qui ne peut être synthétisé par l’organisme. Pour assurer ces apports en protéines, il est donc nécessaire de diversifier les sources de protéines végétales, notamment les céréales, les légumes secs et les oléagineux qui sont parfois complémentaires dans leurs apports en acides aminés essentiels. Exemple : avec 30% de riz (dont le facteur limitant est la lysine, que l’on trouve en quantité suffisante dans les pois cassés) + 70% de pois cassés (dont le facteur limitant est le tryptophane, retrouvé en bonne quantité dans le riz).
Les acides gras essentiels : chez les végétaliens, l’absence de consommation de poissons et notamment de poissons gras peut donner lieu à une diminution des apports en oméga 3, en EPA et DHA qui sont des acides gras essentiels avec des rôles pour le cerveau, la vision, anti-inflammatoire, hypocholestérolémiant et hypotriglycéridémiant (donc lutte contre les maladies cardiovasculaires). Il peut donc être intéressant d’augmenter les apports en oléagineux, en graines de chia, de lin pour les oméga 3 et de supplémenter l’alimentation en huile de micro-algues pour l’EPA et le DHA.
Les minéraux : certains minéraux se retrouvent principalement dans les sources alimentaires d’origine animale. C’est le cas de la vitamine B12 qui ne se retrouve pas dans les sources végétales et qui devra être apportée par des sources exogènes (certains produits alimentaires comme les boissons végétales sont parfois enrichies en vitamine B12). Le zinc, le calcium et le fer sont également des minéraux à surveiller chez les végétariens et végétaliens;
Le calcium pourra être apporté par des légumes verts à feuille tels que le chou kale ou le brocolis et devra être complété par de bons apports en vitamine D pour favoriser son absorption. Pour ce faire, une exposition suffisante à la lumière du jour sera essentielle de mai à septembre pour aider à la synthèse endogène de la forme active de la vitamine D. En hiver, une supplémentation en vitamine D active pourra être proposée.
Le fer contenu dans les sources végétales est appelé fer non héminique et sa biodisponibilité est faible. Pour pouvoir augmenter sa disponibilité il peut être intéressant d’avoir un bon apport en vitamine C (notamment via les crudités) et de limiter les phytates.
De la même façon que le fer, le zinc contenu dans les sources végétales possède une faible biodisponibilité. Il est donc nécessaire de consommer régulièrement des noix, des graines de tournesol ou encore des légumineuses.
Pour conclure, l’analyse des tendances alimentaires telles que le régime cétogène ou encore le régime végétarien / végétalien démontre qu’il n’y a, à ce jour, pas de données concrètes qui permettent d’affirmer que ces types d’alimentation peuvent optimiser la performance ou auraient de meilleurs résultats sur la performance qu’un régime dit “normal”¹º. La bonne nouvelle est qu’un régime végétarien ou végétalien bien suivi n’aurait, à ce jour, pas d’impact négatif sur la performance sportive¹¹ et peut être une alternative appropriée pour les coureurs souhaitant suivre ce régime.
Les athlètes qui suivent ces régimes pour des raisons éthiques, de confort digestif, ou des habitudes de vie devront être suivis médicalement afin d’éviter les risques de carence en certains nutriments ou encore des dérives alimentaires (syndrome RED-S du déficit énergétique dans le sport, troubles du comportement alimentaire…) pouvant mener à la contre performance voire à des problèmes de santé. Chaque individu est différent : par son type de métabolisme, le sport d’endurance qu’il pratique, sa façon de s’entraîner, son poids, sa taille, etc. Il est donc possible d’améliorer ses performances avec une alimentation adaptée au mieux à ses caractéristiques et d’effectuer ainsi des gains marginaux à différents niveaux : en adaptant les apports nutritionnels en entraînement et en compétition, en veillant à une bonne récupération et à une supplémentation en micronutriments si besoin ou encore en prenant soin de son microbiote intestinal.
Bibliographie :
¹ROY CHOUDHURY N., Future Market Insights, Multi Nutritional Supplement Market Overview (2022-2032), Mai 2022
²GUELPA G., MARIE A., La lutte contre l’épilepsie par la désintoxication et par la rééducation alimentaire. Revue de Thérapeutique Médico-Chirurgicale, 1911
³BERTHOU A., Le régime cétogène sportif, une révolution en marche ?, Santé au quotidien, Oct. 2016
⁴PAOLI A., GRIMALDI K., D'AGOSTINO D.,.. Ketogenic diet does not affect strength performance in elite artistic gymnasts. J Int Soc Sports Nutr.
⁵NOAKES T., PRINS P., VOLEK J., D’AGOSTINO D., Low carbohydrate high fat ketogenic diets on the exercise crossover point and glucose homeostasis, 2017
⁶SHAW D., MERIEN F., BRAAKHUIS A., MAUNDER E., DULSON D., Effect of a Ketogenic Diet on Submaximal Exercise Capacity and Efficiency in Runners, 2019
⁷BAILEY C., HENNESSY E., A review of the ketogenic diet for endurance athletes: performance enhancer or placebo effect?, 2020
⁸CAO J., LEI S., The Effect of a Ketogenic Low-Carbohydrate, High-Fat Diet on AerobicCapacity and Exercise Performance in Endurance Athletes: A Systematic Review and Meta-Analysis. Nutrients. 2021
⁹VENDERLEY A., CAMPBELL W., Vegetarian Diets: Nutritional Considerations for Athletes. Sports Med. 2006
¹ºCRADDOCK JC.,. Et al. Vegetarian and Omnivorous Nutrition—Comparing Physical Performance. Int J Sport Nutr Exerc Metab. 2016
¹¹BOUTROS & LANDRY-DUVAL, Etude du European Journal Of Clinical Nutrition, 2020
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